La créativité : compétence clé du XXIème siècle
Les démocraties européennes sont malades du manque d’innovation et de créativité. Les structures politiques, institutionnelles et éducatives se ressemblent depuis des décennies. Des cadres intangibles organisent les réalités de la représentation politique, du fonctionnement administratif et du monde du travail. Des processus pertinents ont été instaurés, permettant une meilleure adaptation de ces cadres à l’évolution de notre monde, mais ces changements restent à la marge et demeurent insuffisants. Alors que nous constatons l’apparition de compétences propres au XXIème siècle, il est stratégique pour la France et pour l’Europe, de repenser les modèles politiques, administratifs, éducatifs et professionnels. La créativité est une compétence clé, dans le contexte d’un accroissement des compétitions, scientifiques, militaires, économiques, éducatives et culturelles. A force de ne se focaliser que sur des modes et la recherche empressée de popularité, les classes politiques européennes se sont perdues en intrigues épuisantes et ont oublié l’importance de la maîtrise. Ainsi paradoxalement, la professionnalisation de l’exercice politique s’est accompagnée d’un processus d’affaiblissement de la maîtrise, sur les dossiers comme sur les idées. Les mondes politique, professionnel et éducatif ont suivi la même évolution. A force de se définir dans des cadres et des modèles standards, ils se sont éloignés de la maîtrise, pour se concentrer sur des normes artificielles, qui ont conduit à un épuisement général des sociétés européennes. Dans ce contexte, il est important de définir une place stratégique pour la créativité et l’innovation. La créativité permet de générer des idées originales, adaptées aux réalités, elle confère une réactivité et une souplesse indispensables dans un monde traversé par des chaos politiques, stratégiques et sociétaux.
Une rigidité nocive des organisations politiques et sociétales européennes
Le monde politique européen incarne cette rigidité d’un système dépourvu de toute innovation, de toute créativité, avec les mêmes styles, les mêmes codes, les mêmes personnalités habituées aux meetings et rassemblements d’usage, aux débats vides de propositions mais surchargés en invectives et affrontements vains. Les médias ont favorisé cette dérive et continuent à donner l’étrange impression d’une déconnection à la richesse réelle du débat des idées. Cet ensemble défaillant a favorisé l’affirmation d’un courant ultraconservateur en Europe, qui prétend contester le modèle dominant, mais reste bien établi dans les codes habituels et continue d’accroître les dérives d’un monde politique, en sérieux manque de créativité et d’idées nouvelles. Des changements apparaissent, de nouveaux profils s’engagent en politique, des usages évoluent, par exemple en France. Nous sommes à un moment stratégique, qui peut nous permettre d’engager une nouvelle période pour la démocratie.
Permettre l’émergence de profils pluridisciplinaires, capables de créativité et de concevoir des approches innovantes
Nous avons besoin de soutenir, d’accompagner, d’investir dans les champions d’idées. Cela signifie engager davantage de moyens, dans la Recherche et l’innovation, dans les domaines des Sciences exactes mais aussi des Sciences Humaines et Politiques. Si nous voulons définir de nouveaux modèles politiques, de nouvelles configurations électorales, adaptés au XXIème siècle, alors nous devons permettre à toutes les énergies intellectuelles de se consacrer à ces enjeux. Les idées françaises et européennes doivent pouvoir exister dans la bataille internationale, que se livrent toutes les grandes puissances mondiales. Les champions d’idées ne sont en outre jamais là où nos sociétés les attendent, dans des cadres traditionnels et établis. Les champions d’idées sont en réalité beaucoup plus inattendus, avec des parcours atypiques et mouvants, à l’image de Léonard De Vinci, Charles Darwin, Michael Faraday, Marie Curie ou Albert Einstein. A l’heure où nous défendons la nécessaire égalité hommes-femmes, il serait également temps de cesser d’entretenir un système global discriminant pour les créateurs et innovateurs. Cessons de nous focaliser sur des parcours universitaires, avec des cours classiques et des diplômes à intérêt très variable et revalorisons le cycle de l’apprentissage que nous aurions tort de réserver aux métiers exclusivement manuels, mais que nous pourrions expérimenter et étendre dans les domaines de la maîtrise et de l’excellence intellectuelles. Nous avons désormais besoin de croiser les disciplines et les compétences, afin de permettre l’émergence de profils pluridisciplinaires, capables de créativité et de concevoir des approches innovantes.
Florian BRUNNER
Président du Think Tank « Europe et Démocratie »