Suite à la mort de treize soldats français en mission au Mali, Jean-Claude Juncker a affirmé que l’armée française défendait l’honneur et la sécurité de l’Europe[1]. Une légitimation qui reste trop rare. En effet, les efforts de la France pour la défense et la sécurité de l’Europe, ne sont aujourd’hui pas suffisamment reconnus. La réalité est que la France ne pourra tenir dans le temps, un rôle de sous-Armée européenne par procuration. L’Armée française n’est pas une Armée européenne et ne pourra jamais l’être. La France est désormais dans une position complexe au Sahel. Depuis 2018, la situation s’aggrave et l’Union européenne doit prendre la mesure des enjeux, avant de laisser un de ses pays membres s’épuiser seul, sur le terrain.
Les pays membres de l’Union, avec Angela Merkel en tête, s’attachent à tergiverser sur l’OTAN, dont nous pouvons sérieusement nous interroger sur l’utilité effective, depuis la chute de l’URSS. Alors que les pertes françaises s’accumulent, que les moyens militaires de la France sont fortement sollicités, il est temps que l’Union européenne se réveille et mette en œuvre une politique étrangère et de défense réaliste, répondant à l’urgence d’un environnement stratégique en profonde dégradation. Dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre de la nécessité d’une nouvelle dynamique des Relations Internationales, l’Union européenne doit accélérer les progressions déjà réalisées, gagner en efficacité, afin d’aboutir concrètement à l’instauration d’une Europe forte, dans le monde.
Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne, a continuellement affirmé une ambition mondiale, pour l’Union. Une défense européenne en construction, ne devra plus considérer la France comme le pays membre utile, pour les interventions extérieures. Le défi est à présent de construire des coopérations militaires approfondies, qui donnent du sens à une politique étrangère et de défense, déterminée à la dimension de l’Union européenne. Il est important de rester vigilant par rapport à l’OTAN et à l’influence américaine qui peut vite devenir néoconservatrice et donc dangereuse, pour la paix et la stabilité mondiale. La vision du monde de l’Europe, n’est pas celle des Etats-Unis et elle n’est pas celle de l’OTAN. Plus l’Union européenne structurera son indépendance vis-à-vis de Washington, plus elle sera en capacité d’affirmer ses orientations, c’est-à-dire des décisions autonomes, avec un impact décisif. Cette nécessité d’émancipation doit être maintenant clairement affirmée et assumée, afin de sortir d’une approche qui privilégie les objectifs au rabais, notamment par une excessive prudence politique. L’Europe est aujourd’hui, en situation d’urgence, face à l’évolution d’un monde de plus en plus instable, face à l’affirmation d’une rivalité sino-américaine et face à la menace terroriste. Les petites ambitions, réalisées à petits pas, ne sont plus à l’ordre du jour.
Florian BRUNNER
Président du Think Tank "Europe et Démocratie"
[1] Jean-Claude Juncker : « En hommage aux soldats français, je présente mes condoléances émues aux familles et aux proches des victimes, Emmanuel Macron et à l’ensemble de la nation française. C’est l’Europe toute entière qui est en deuil car c’est l’armée française qui défend l’honneur et la sécurité de l’Europe. » https://twitter.com/JunckerEU/status/1199325627381407744