Avec la propagation de l’épidémie de Coronavirus, le monde traverse une crise majeure, qui devra entraîner de nombreuses transformations, dans le cadre d’une vision élaborée et ambitieuse, à la mesure des enjeux du XXIème siècle. La structuration d’une souveraineté sanitaire européenne, la paix et la protection de l’environnement, la régulation du tourisme de masse, la relance économique et sociale ainsi que la mobilisation de la jeunesse, représentent cinq priorités incontournables.
Se doter d’une souveraineté sanitaire européenne
Dans la situation d’urgence que l’Europe traverse, il est stratégique de structurer une souveraineté sanitaire européenne, qui s’accomplirait par la mise en œuvre d’une coopération efficiente, en harmonisant les programmes de santé nationaux et la totalité des dispositifs adoptés, en réunissant des stocks sanitaires denses, en élaborant une solidarité opérationnelle et en coordonnant une stratégie de répartition des matériels et d’organisation des transports sur tout le territoire de l’Union, ainsi qu’en concentrant l’essentiel de la production en médicaments sur le sol européen. Comme pour le domaine de la Défense, nous ne devons pas dépendre excessivement des autres puissances. Il est important de s'appuyer sur un système d’alliances stable, mais il est également impératif de ne pas se complaire dans la pérennisation d’une dépendance excessive. L’Union européenne est encore une fois, confrontée au défi de sa puissance et de son indépendance, de son autonomie stratégique. Il est prioritaire de dépasser les dérives déclaratoires de la politique européenne et de déterminer un plan solide, avec des déclinaisons concrètes, se réalisant en suivant un calendrier précis et respecté. Le lancement d’une Initiative européenne pour la Santé, pourrait être dans un premier temps, porté par l’engagement d’une coalition d’Etats européens restreinte et non fermée, regroupant des partenaires ayant la même volonté et la même capacité à progresser, dans l’instauration d’une souveraineté sanitaire.
Une protection efficiente de l’Humanité et de la planète
Les conflits militaires créent des zones fortement instables et fragiles, particulièrement sensibles aux pandémies. Notre objectif prioritaire devrait être d’achever le cycle des guerres, notamment dans cette période de crise sanitaire mondiale. C’était tout le sens de l’appel du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, le 23 mars 2020 pour un cessez-le-feu immédiat et mondial. Une déclaration de bon sens qui a entraîné la mise en œuvre de premiers processus de pacification. Le Conseil de sécurité de l’ONU et notamment ses cinq membres permanents, sont des acteurs indispensables dont le silence prolongé n’est pas souhaitable. Des déclarations et des résolutions de cette instance centrale des Nations Unies seront les instruments essentiels d’une action efficiente, en faveur de la lutte contre l’épidémie et de l’accomplissement d’une initiative diplomatique effective, permettant de généraliser les cycles de paix, à l’échelle de la planète. Le risque sanitaire, tout comme le risque environnemental, sont des enjeux relevant de la sécurité internationale. Il est temps que Conseil de Sécurité de l’ONU mette à jour son logiciel de compétences. Tout phénomène qui menace massivement des vies humaines, sur la planète, doit être considéré comme relevant de la sécurité internationale. Une seule règle doit prévaloir : la protection de l’Humanité et de la planète. Nous devons également anticiper les risques sérieux de montée des tensions et des possibilités d’affrontements militaires, qui résulteraient d’une persistance prolongée de la crise sanitaire.
La régulation du tourisme de masse
Les humains sont globalement organisés selon la même logique : un temps pour la vie professionnelle et un temps pour les loisirs, que nous considérons de façon très large. Cette séparation a conduit une grande partie des individus à définir le moment du travail comme un moment de pénibilité et le moment des loisirs comme un moment de vide, inutile en soit. Le rituel du travail est structuré selon un emploi du temps, assez précis. Le rituel des loisirs est construit autour de la notion des vacances et d’une intense activité touristique. Il est d’usage chez les personnes en congés, durant une certaine période, d’effectuer des déplacements sur des lieux notables, dans leurs pays ou dans d’autres régions du monde. Ainsi des flux humains de plus en plus denses se mobilisent, sur les mêmes périodes, dans les mêmes lieux. Nous comptons désormais plus d’un milliard de touristes sur la planète, avec près de six touristes sur dix qui se déplacent par la voie aérienne, alors que l'aviation est un des modes de transport les plus polluants au monde. Les sites touristiques sont surpeuplés et dénaturés par la masse d’individus qui s’y entasse, ce qui entraîne la dégradation des environnements et l’exaspération des locaux. L’amoncellement des déchets est exponentiel. Et les maladies ou contagions peuvent se propager rapidement. L’activité touristique est devenue abusive et le coût environnemental et sanitaire est très élevé. Nous devons définir à l’échelle de la planète, un plan d’action opérant, pour réguler le tourisme dans le monde et éviter les périodes de surcharge, tout comme la prolifération des épidémies.
Un choc de relance économique et social
Il est nécessaire dans cette période de crise de maintenir et protéger l’activité économique, ainsi que les emplois qui en dépendent. Les législateurs doivent préparer un ensemble de dispositifs afin d’enclencher un choc de relance, une fois que l’économie en sera revenue à un fonctionnement normal. Pour la France, il s’agira d’encore mieux accompagner les entrepreneurs, de faciliter les processus administratifs, de soutenir efficacement les projets innovants et de permettre un accès abordable à des formations indispensables. Il sera essentiel de simplifier la création d’entreprise en France, notamment pour les jeunes, en ne réservant pas la possibilité de fonder une affaire à ceux qui ont le plus de capacité financière au départ. Il sera primordial également d’accompagner les investisseurs, de structurer un encadrement des actionnaires et de mettre en œuvre une combinaison de procédés, encourageant l’investissement durable dans les entreprises. Nous devrons aussi engager un chantier politique, afin de définir une vision du monde professionnel, ainsi que de la formation, plus adaptée aux réalités de nos Sociétés. Le confinement a favorisé le développement du télétravail et ce procédé pourra être maintenu, dans les métiers où il se sera révélé pertinent et auprès des agents qui souhaiteront poursuivre leur vie professionnelle, en suivant cette méthode. Nous pourrons articuler une approche innovante du travail, en considérant l’espace du domicile comme un lieu plus efficient, pour la réalisation de tâches qui ne nécessitent pas une présence particulière, sur le site d’une structure. Nous serons amenés à déconstruire une mythologie du monde professionnel, qui persiste depuis le XXème siècle, avec pour finalité de déterminer une technique ingénieuse permettant d’exercer un emploi, avec de meilleurs résultats dans l’occupation du poste et un réel épanouissement des professionnels, qui pourront mieux harmoniser leur équilibre de vie, notamment avec leurs familles.
La mobilisation de la jeunesse
Les processus d’éducation pourront être également redéfinis, avec des dispositifs de formation en ligne, semblables à ceux qui ont été instaurés durant la crise sanitaire et qui pourront se développer, dans le cadre d’un cycle classique. Il est important que les élèves qui ont pu améliorer leurs capacités d’apprentissage, par la formation à distance, puissent continuer à en bénéficier. Ne négligeons pas l’intérêt d’un dispositif pédagogique, plus adapté à des profils qui ont davantage besoin de travail en autonomie. Les générations futures doivent être replacées au cœur d’un projet de Société, pour le XXIème siècle. Amplifions les chantiers qui avaient déjà été engagés et établissons une véritable consultation ambitieuse et durable, notamment en ligne, des jeunes entre 16 et 30 ans, de manière à recevoir les attentes et les idées, à accompagner efficacement les projets innovants et à considérer les réalités très diverses de cette période de la vie. Sortons des cadres et des cycles de formations chronophages, centrés excessivement sur des critères de performance aléatoires, qui favorisent la précarisation et la fragilisation des jeunes, afin de proposer une organisation d’accompagnement solide et inédite, à l’échelle de toute l’Union, un Centre à la fois présent sur Internet et dans des locaux, permettant de regrouper toutes les documentations et les expériences, ainsi que des conseillers efficients ou des parrainages potentiels, dans le but de sécuriser les parcours des jeunes et de les accompagner vers leur émancipation réelle.
Florian BRUNNER
Président du Think Tank « Europe et Démocratie »